Ancien adhérent à Kalame (réseau francophone d’animateurs d’ateliers d’écriture), j’ai répondu à quelques questions ayant trait à l’écriture et son « animation » pour la revue Parenthèses.
L’écriture, pour moi…
La première fois que je me suis mis à écrire, je suis tombé de très haut. Je venais de me casser le calcanéum en chutant d’une échelle. La fracture avait généré sa douleur. La douleur s’était propagé dans le corps, rallumant les blessures. Elles réclamaient leurs existences. En bloc. Elles braillaient toutes, bien vivantes, affamées, dans la salle de réveil. C’est cette vibration démente, incontrôlable, qui m’a conduit à écrire. Je n’ai pas vu les mots venir. Je suis venu à l’écriture de cette façon brutale. En urgence. Les mots ventilaient la douleur. Souffle et sang repartaient. En me mettant à écrire, une brèche immense s’est ouverte. Un flot. De cette fracture s’est échappée une série de poèmes. Puis un recueil. Depuis je continue d’écrire, laissant les mots venir. Je ne les force pas. Je les entends et les transcris. J’écris pour donner une voix à mon corps. J’écris pour me comprendre et pour me perdre. J’écris pour (re)tomber dans ma langue.
Animer, pour moi…
Dans son sens actuel, “animer” c’est d’abord “occuper”. En priorité “les petits” ou bien le temps, les (grandes) surfaces… Animer suppose une “prise en charge”, ce qui confine, paradoxalement, à la passivité. Tout est “animation”, s’agite et semble se remplir mais rien ne s’anime vraiment. Dans son sens originel, animer (d’anima, l’âme) c’est rendre le sensible actif, c’est agir de manière à ce que chacun puisse s’éveiller par lui-même, en pleine autonomie. Animer l’écriture c’est réveiller les apathies, les zones endormies. On ne peut pas écrire vraiment sans explorer ses profondeurs. Il faut descendre en soi, aller chercher le feu ou la lumière jusqu’aux enfers. Accompagner l’écriture, la stimuler, c’est assurer les conditions de ce transport. C’est permettre le calme et la détente. Celui ou celle qui traverse l’acte d’écrire doit pouvoir lâcher prise. Il faut partir en soi puis revenir ; en toute confiance. Il faut y aller seul, dépouillé, sans notre esprit sachant, sans l’auto-jugement qui mutile. Tenter de juste écrire. Sans se brider. Écrire. Oser. Rater. Se récrier. Récrire. Et partager ses mots, ses prises. En rire, en être ému, en parler, ne rien dire… Celle ou celui qui accompagne l’écriture ne doit ni enseigner ni montrer comment faire. Il faut encourager. Rassurer. Inciter. Relancer. Proposer un territoire de jeu et d’expériences propice aux expressions les plus fragiles, aux moindres surgissements. Aider à révéler nos âmes. Anima. Animées.
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